top of page

« La nuit était noire, et les rues bien sombres. Seuls quelques rayons de lune éclairaient les pavés humides, ou du moins, c'est ce qu'une personne normale y verrait. Pour moi, c'était un véritable déluge de couleurs. Ne me demandez pas pourquoi, je serais incapable de vous répondre, mais j'y voyais là une vague de couleurs et lumières vives. Des orbes jaunes, roses, bleues, parfois blanches, ou encore vertes voletaient dans l'air, c'était comme si des milliers de lucioles multicolores nous entouraient. 

Du plus loin que je me souvienne, je les ai toujours aperçues, ces lumières, mais personne n'a jamais pris la peine d'essayer de me croire, mais je ne suis pas fou, je sais qu'elles sont là. Je sens leur fraîcheur et je vois leur lueur. 

C'est pendant ces nuits que j'aime sortir, respirer l'air, sentir le vent sur ma peau.


Cependant, ce soir-là, c'était différent, parce qu'il y avait cette ombre. Elle sautait de toits en toits, et intrigué, j'ai cherché à la suivre. Elle était seule, dans la pénombre de la nuit, et semblait même n'être reflétée que par les rayons de la lune. J'ai cru à une hallucination, mais c'en avait été une, j'aurais rêvé qu'elle soit réelle. Ce petit être frêle et beau... Son visage de porcelaine était aussi blanc que la lune, et ses longs cheveux, quant-à eux, se distinguaient à peine dans la noirceur de la nuit tant ils étaient sombres. Son vêtement, ample, lui permettait de se mouvoir comme elle le désirait, et cachait par la même occasion ses membres osseux et maigres. Le plus étonnant n'était pas sa tenue : elle tenait dans ses mains un grand filet plein de ces orbes lumineuses.  Les chassait-elle ?

J'eus bien vite une réponse, puisqu'elle enfourna la totalité de son filet dans une petite sacoche qu'elle portait sur son dos. 

Qu'allait-elle en faire ? Les collectionnait-elle ? Ou bien les analysait-elle ?

Elle se tourna dans ma direction, en me fixant. Ca y est, j'étais repéré. Elle ne me faisait pas peur, seulement, son visage de poupée m'intriguait. Elle fixait quelque chose, là, dans la pénombre, derrière moi. Le silence régnait sur toute la ville. Alors que je regardais cette mystérieuse demoiselle, je me sentis aspiré vers l'arrière, comme si une force m'attirait à elle. J'eus le temps de tourner la tête pour y voir une grande ombre me tirer dans ses bras. Elle avait l'air humaine, cette ombre, avec deux bras, deux jambes. Mais je n'ai pas eu le temps de l'analyser plus longtemps. Son toucher me glaça littéralement, et tandis qu'un frisson d'effroi parcourait mon échine, je pris mes jambes à mon cou, mais elle me suivait, cette ombre. 

J'ai eu peur, oui.

C'est à ce moment précis que je sentis quelque chose m'enserrer au niveau du ventre : une chose qui m'emportait d'un coup, comme un éclair rapide, si rapide que j'en eus le souffle coupé. J'ai mis bien deux secondes à réagir, alors que je m'élevais dans les airs, comme s'il s'agissait là d'un tour de magie. Paniqué, je voyais les toits des maisons de Sleepy Town, ma ville natale, s'éloigner de plus en plus, tandis que je continuais à être tiré vers le haut. J'ai eu beau me débattre, repousser cette chose, je suffoquais et perdais conscience peu à peu. Tout s'est assombri.

Je me souviens surtout d'un bruit strident, comme un hurlement, le hurlement d'une chose qui n'est pas humaine. Un hurlement qui me glaça le sang. Ce hurlement, je l'avais déjà entendu, dans mes rêves, dans mes cauchemars, la nuit. 

Quand j'ai pu rouvrir les yeux, respirer de nouveaux, j'étais en train de tomber à vive allure, je ne voyais que le toît de la maison d'un de mes voisins se rapprocher de plus en plus. J'apercevais le jardin où j'avais fait mes premiers pas d'enfant, mes premières bêtises. Je pouvais voir la ruelle où j'avais embrassé la première fille que j'avais aimée, et celle où elle m'avait quitté. Je voyais la boulangerie où j'avais eu mon premier emploi, ainsi que l'hologerie où je travaille aujourd'hui, et c'est à ce moment-là que je me suis rendu compte que ce serait probablement la dernière fois que je verrais toutes ces choses-là. Tous ces bâtiments. Tous ces souvenirs. Toutes ces personnes. Toutes ces merveilleuses lumières... 

Mais quelqu'un a interrompu ma chute. Quelqu'un m'a rattrapé. Quelqu'un s'est opposé à ma mort et m'a tiré de mes rêveries. Quelqu'un m'a ramené au sol. 


C'était elle. 

J'étais estomaqué, et je ne pouvais plus rien dire, plus rien faire. J'étais devenu incapable de prononcé le moindre son. Je venais de voir ma mort, de lui faire un face à face, la fixer droit dans les yeux, et on m'en avait arraché. Elle m'avait sauvé la vie. Nelkhaël m'avait sauvé la vie. » 

bottom of page