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« Je sais comment tout a commencé à Orneuil.

 

J'avais un amant. Un voyageur rencontré dans la forêt, un homme plein de savoir et plein de sagesse, qui me racontait des milliers d'histoires. J'ai caché cet homme aux villageois, parce qu'il me disait avoir peur des autres, peur de la foule. Nous avons donc vécu dans cette petite maison, à l'écart d'Orneuil.

Mon amant et moi attendions la naissance de notre enfant. Il devait naître pour décembre. Après trois fausses couches et deux enfants morts prématurément, j'ai beaucoup espéré de cette sixième naissance. Lui aussi. Il disait prier Dieu quotidiennement, pour que notre enfant se porte bien, pour qu'il n'ait aucun mal à vivre dans notre monde. Moi, j'avais surtout peur de ne plus être capable d'Enfanter. La fatigue s'abattait sur moi, sur les derniers jours, je craignais d'être trop faible pour mettre cet enfant à terme.

C'est à peu près à cette période-là que les ennuis ont commencé. 

Personne n'a jamais fait le lien et ils ne le feront jamais, mais, une nuit, j'ai senti le besoin irrépressible d'aller prendre l'air. Je suis sortie de mon lit et j'ai demandé à mon amant de m'accompagner. Nous nous sommes rendus dans la forêt. J'adorais la forêt, il régnait là-bas une ambiance douce et chaleureuse qui me rappelait notre rencontre. Alors, j'ai mis mon châle, ma robe épaisse et mes bottes et, munis d'une lampe à huile, on est sorti.

On a été surpris par un bruit, alors que nous marchions. Puis un autre bruit. A un moment, essoufflée, j'ai choisi de m'asseoir sur une souche d'arbre. Le fait est que je me suis endormie. 

A mon réveil, j'étais chez moi, dans mon lit, dans ma tenue de nuit, les cuisses en feu, trempée, mes cheveux étaient devenus blancs, et je tenais une petite humaine dans mes bras.

Cunégonde.

Je n'ai plus jamais revu mon amant après cela. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, et je n'ai pas même le souvenir d'avoir mis ma fille au monde. Pourtant, elle est là. Elle est vivante. Je reconnais dans ses yeux verts le regard de celui que j'ai aimé, et dans ses cheveux roux, l'étincelle de ce qui était ma propre crinière flamboyante. 

J'ai préféré garder mon histoire pour moi. J'ai préféré que les villageois reconnaissent ma fille comme une bâtarde. J'ai préféré la garder dans notre petit cocon et la nourrir d'aventures.

Elle a toujours été spéciale. Particulière. Elle m'a toujours aidée avec une bienveillance extrême, même quand j'ai cessé de marcher, même quand mon corps s'est affaibli. Quand j'ai arrêté de travailler, elle a pris sur elle pour continuer de faire marcher la boutique... Et un soir, elle m'a confié certains de ses secrets. 

Ma fille est spéciale. 

Aussi précieuse que l'était mon amant, elle a un don. Mais j'ai la ferme intention de le cacher. »

 

"Maman. Ils arrivent. Les Invités arrivent, il faut les accueillir. Il faut les aider. Parce que les Démons les pourchassent. Les Démons les attendent. Si les Démons les attrapent, c'en sera fini de tout. Fini de Lui. " »

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